Parvenir à hisser dans un contexte professionnel une personne handicapée n’est pas toujours une sinécure, la réalité économique n’ayant qu’un lointain rapport avec la philanthropie. Et pourtant, les bienfaits retirés sont susceptibles de s’adresser aux deux camps. Du donnant-donnant, puis du gagnant-gagnant si affinités. La très prochaine Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées en attestera, concomitante aux cinq ans d’existence du PDIP 71 (Pôle Départemental d’insertion Professionnelle). Interview d’Etienne Girod, figure de proue, pour info-chalon.com
Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale, le PDIP a dans son giron ces trois associations : les Papillons Blancs D’entre Saône-et-Loire, les PEP 71, ainsi que la FOL 58.
De quelle nature est votre fonction ?
«Je suis chef de service, c’est-à-dire que c’est moi qui pilote l’ensemble du Pôle Départemental d’Insertion Professionnelle, sous la haute autorité de mon conseil d’administration, qui relie trois associations. Nous sommes basés à Châtenoy-le-Royal, et on intervient sur toute la Saône-et-Loire. »
La visibilité du PDIP71 devrait être maximale, du 16 au 22 novembre, à la faveur de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées ?
«Absolument, et ça tombe plutôt bien, pour nous ça représente notre cinquième année. On a tout juste cinq ans à ce moment-là. »
Quel bilan tirez-vous de ces cinq ans d’existence ?
« Un bilan globalement positif. On accompagne l’ensemble des structures du médico-social du département, que ce soit les ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail), les IME (Institut Médico-Educatif) et les ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique). Nous accompagnons les personnes pour qu’elles trouvent un emploi en milieu ordinaire. Nous avons été créés il y a maintenant cinq ans, à cette époque on commençait à parler de société un peu inclusive et de virage plus inclusif, c’est-à-dire une présence plus accrue de personnes en situation de handicap dans la société, et non plus en structure spécialisée. On intervient vraiment pour effacer la frontière entre milieu protégé et milieu ordinaire. Cela signifie que le travail en milieu ordinaire est tout à fait réalisable, à condition que ça soit accompagné. On suit à la fois les bénéficiaires, les structures qui sont nos structures adhérentes pour leur faire prendre ce virage, et l’ensemble des employeurs pour leur dire que c’est tout à fait possible quelle que soit la situation du handicap. A partir du moment où la personne est bien accompagnée, on peut trouver une solution. »
Comment, malgré la Covid-19, marquerez-vous concrètement le coup ?
«Le premier confinement a été bien évidemment, comme pour tout le monde, brutal, tout s’est arrêté. Nous avions plusieurs personnes qui étaient en cours d’insertion, soit qui avaient des stages prévus, soit qui avaient des mises à disposition, c’est-à-dire qu’elles restent salariées de l’ESAT, mais sont mises à la disposition d’entreprises du droit commun pour ensuite travailler en insertion. Quand c’est reparti au mois de mai, c’est plutôt bien reparti, on a eu de belles opportunités, de plus en plus d’entreprises nous faisaient confiance, et on avait beaucoup de projets en cours. Là, il est encore trop tôt pour dresser un bilan du second confinement, mais on sent que tout commence à se rétracter à nouveau. On a vraiment peur que beaucoup de projets s’arrêtent, que des projets en cours de finalisation ne puissent pas, soit a minima être décalés, soit annulés en fonction de la situation économique des entreprises. »
Combien de personnes ont-elles été bénéficiaires durant ce lustre écoulé ?
«On a accompagné plus de cent soixante personnes. On en accompagne encore aujourd’hui plus de cent trente. »
Etre porteur d’un quelconque handicap en 2020, et passer par la case activité professionnelle, quelle signification cela a-t-il de nos jours ?
« Ca a une signification très importante pour les personnes en situation de handicap. Il faut savoir que ce sont des personnes en institut, avec un handicap mental, une déficience intellectuelle ou un handicap psychique. Le travail reste quand même une des premières définitions de l’institut, et donc de pouvoir s’insérer professionnellement, ça représente vraiment quelque chose, une fin en soi. On part toujours du principe que le travail participe du soin, et le soin participe du travail. C’est très important, ça veut dire que les personnes qui sont en ESAT, dans la très grande majorité quand elles font appel à nous, elles ont envie de sortir en milieu ordinaire. Leur motivation première c’est de pouvoir accéder à un travail comme un autre, c’est-à-dire de ne plus avoir cette étiquette handicap et de pouvoir être considéré comme tout le monde par le biais du travail. »
L’image de marque du PDIP 71 s’impose-t-elle de plus en plus dans toutes les sphères ?
« Elle s’impose auprès de nos partenaires et de nos adhérents, oui, ça je pense que ça fonctionne bien. Auprès d’un cercle de partenaires insertion et handicap, oui, après par rapport à la sphère employeurs c’est un peu plus compliqué parce que nous restons encore très petits et on ne fait pas de communication massive auprès des employeurs. Cent soixante personnes, ça ne représente pas grand-chose sur l’ensemble du département, on n’a pas la prétention d’être Pôle emploi. C’est-à-dire que les personnes qu’on accompagne, on sait très bien que ce sera limité en termes de nature de poste. «
Quels sont es obstacles à franchir ?
«Ils vont être de différentes natures. Le premier obstacle, ça va encore être la présentation du milieu protégé. Quand on arrive dans l’entreprise en disant que l’on vient pour insérer une personne qui travaille à l’ESAT à côté, ça peut être un peu connoté. Ca l’est de moins en moins, mais ça l’est encore un petit peu, et ça va être de dire : « Oui, mais moi je n’ai pas de temps à perdre à accompagner une personne », ça peut être l’un des premiers réflexes. On essaie de faire de ces défauts a priori une force, en disant : profitez-en pour entrer dans une logique de responsabilité un peu plus sociétale de l’entreprise pour sensibiliser le collectif, pour déterminer un tuteur, et l’ensemble de l’équipe de travail dans lequel vous le mettrez se sentira valorisé. Derrière, pouvoir être un petit peu responsable d’une personne et lui montrer, voire la tutorer, c’est valorisant, et ça donne un autre sens et un autre objectif au travail des personnes valides. »
De quelle manière est perçue l’agrégation des trois associations composant le PDIP, un mécanisme sans équivalent en Bourgogne-Franche-Comté ?
« Absolument, ce sont trois associations qui se sont vraiment rapprochées il y a maintenant cinq ans, chacune portait déjà un pôle d’insertion sur un petit bassin du département, et les trois se sont regroupées pour créer quelque chose d’unique. On a cette chance, quand je vous dis que nous restons très petits, c’est à la fois vrai par rapport à Pôle emploi, et à la fois très gros par rapport à l’ensemble des autres structures qui peuvent exister sur la région, voire sur les autres régions. On a cette force de frappe de pouvoir intervenir sur l’ensemble du département, de pouvoir mutualiser les compétences des conseillers, et surtout trois associations qui se mettent ensemble pour créer une structure qui du coup est indépendante, ça nous permet auprès de l’ensemble des structures dans lesquelles on intervient de pouvoir apporter un regard complètement extérieur. On arrive sans parti pris, on arrive pour appuyer les moniteurs, les éducateurs des jeunes, et pour leur dire : vous, vous les voyez au quotidien, vous les connaissez très bien. En revanche, de trop bien connaître la personne ça peut générer certains freins ; ça peut être compliqué, mais ça nous permet de dire que c’est possible. On ne promet pas que ça fonctionnera pour tout le monde, mais on peut au moins essayer. »
De quoi avez-vous le plus besoin à l’heure actuelle?
«Je ne vais même pas vous dire le financement, parce qu’à ce niveau ça va, pour moi c’est le temps le maître-mot. Il faut qu’on arrive à faire comprendre que c’est du temps, déjà pour nous, et pour les entreprises aussi. Parce qu’une insertion, on est dans une société où les entreprises et les employeurs veulent le plus rapidement possible un profil très complet, un profil très opérationnel. Or, les personnes que nous accompagnons ne peuvent pas travailler dans l’urgence, ce n’est pas possible. Il faut du temps pour apprendre le poste, pour apprendre les gestes professionnels, il faut du temps pour vraiment trouver la bonne carburation, c’est-dire définir le poste qui va bien. Et une fois qu’on a pris ce temps-là, généralement un processus d’insertion ça va prendre deux ou trois ans pour que ça fonctionne. Pourquoi ? Car le temps de définir le projet professionnel, de faire différentes immersions, le temps de trouver la bonne entreprise, et même quand on trouve la bonne entreprise, on prend le temps de tout bien sécuriser, parce que quand l’on sort les personnes du médico-social, eh bien ça peut faire basculer l’ensemble des accompagnements qu’ils avaient. Ils ont des accompagnements qui sont socio-professionnels, ils peuvent être de temps en temps dans des foyers d’hébergement, avoir tout un environnement autour d’eux, et de les faire sortir, ça peut les mettre en difficulté. Donc, il faut vraiment qu’on étaye tout ça avant de signer un contrat de travail. »
Quelques nombres-clés
- 14 ESAT adhérents
- 10 IME
- 2 ITEP
- 8 SESSAD (Services d’Education Spéciale et de Soins à Domicile)
- 23 contrats à durée indéterminée
- 51 contrats à durée déterminée
- 23 contrats d’apprentissage
- 130 contrats de stage
Propos recueillis par Michel Poiriault – Info Chalon